En faisant l'ménage sur l'ordi, j'ai r'trouvé ça... ! :
Un mail dans ma boite signé MJ… Allons bon ! Curieux, je l’ouvre : c’est Mickaël Levivier qui me demande si je suis intéressé pour lui filer un coup de main à l’occasion de son comparo entre la new et l’ancienne Fazer, vu que j’en possède une justement. T’aurais fait quoi à ma place ??? Je te dis « tu » car c’est de tradition dans le p’tit monde du deux roues, m’en veux pas, j’aime ce côté un peu intimiste…
Donc, le deale est le suivant : je passe chez Coin-Coin vers dix sept heures et prends possession de la moto pour la rendre le lendemain vers dix huit heures, avec pour mission d’évaluer son évolution sur sa précédente.
Cette dernière, justement, je commence à la connaître un peu : ça fait un an et demi que nous vadrouillons ensemble, elle et moi. Vingt deux mille kilomètres au compteur uniquement parcourus en sorties diverses, pas de trajet / travail, car la moto, pour moi, est d’abord faite pour le plaisir et non pour être utilisée comme un objet usuel.
La moto est ma passion première, ce, depuis ma plus tendre jeunesse. Commencée par le motocross, je la poursuis maintenant sur la route, aimant surtout les longues virées en solitaire à un rythme plutôt soutenu. Mon plaisir, c’est de jouer sur de la petite route viroleuse, loin des grands axes : le terrain de jeu d’un roadster, justement. Mais, pour accéder à ces petites routes, il y a malheureusement des grands bouts droits auxquels on échappe pas, et dans ce cas confort et protection sont de rigueur pour avaler bien vite ces axes ennuyeux.
C’est là que j’en viens à la Fazer 1000 : cette moto sait tout faire, plutôt bien d’ailleurs. La mienne est la trente huitième accrochée à mon tableau de chasse. Ca fait beaucoup, je sais, mais je cède tout à ma passion. Je ne les garde généralement pas longtemps, me lassant très vite au gré d’un trait de caractère ou d’un défaut constaté sitôt la période de découverte passée. Mais cette fois ci, ce n’est pas le cas…
Fazie - c’est ainsi que je l’appelle dans l’intimité – ne roule pas des mécaniques. Elle ne se farde pas, n’utilise aucun artifice pour te séduire comme pourrait le faire une transalpine par exemple. Déjà, son physique ne plaide pas vraiment en sa faveur : sans être laide, elle est de celles que tu croises dans la rue sans te retourner. Son comportement est à son image : elle n’excelle dans aucun domaine particulier, mais n’a pas de point faible non plus. Elle ne se force pas, à toi de faire l’effort d’aller vers elle en prenant le temps de la découvrir. Si tu fais cet effort, tu vas alors découvrir une merveilleuse compagne de route qui va t’accompagner sans jamais te contrarier. Elle joue à tes côtés, et non contre toi. Et si tu l’acceptes telle qu’elle est, que tu cherches à aller plus loin dans votre aventure, tu vas découvrir qu’en plus de te rendre la route facile par son comportement neutre, son confort et sa protection - à condition d’opter pour une bulle haute -, tu constateras qu’elle possède un côté joueur insoupçonné capable d’en remontrer à bien plus sportive qu’elle dès qu’il faut improviser. Un sorte de couteau suisse, cette moto.
Certains – ceux qui ne font pas l’effort de la comprendre – disent qu’elle manque de caractère, mais c’est son absence de points faibles qui lui donne sa personnalité bien à elle. La preuve ? je n’arrive pas à m’en séparer…
Tout ce préambule pour en arriver à la nouvelle version de la Fazer dont un exemplaire m’attend au pied du journal : d’entrée de jeu, je ne sais pas pourquoi, new Fazie ne m’attire pas. Peut-être que cette version up to date semble vouloir trop en faire en cédant à des phénomènes de mode trop artificiels à mon goût, comme ce silencieux semblant provenir tout droit d’un T-Max, ou ce guidon droit me faisant songer à un manche à balais…
Mais il y a aussi ce superbe cadre en alu particulièrement bien intégré, de même qu’un bras occillant de belle facture. La partie arrière semble calquée sur celui de la Speed-Triple, en plus affinée, les tromblons en moins. L’ensemble donne une ligne cohérente, rappelant l’ancien modèle mais en plus ramassé. Elle possède maintenant un style assez latin, plutôt agressif. Autre phénomène de mode, une fourche inversée remplace la télescopique traditionnelle. Quand au moulin, ça ne se voit pas au premier coup d’œil, mais il est injecté, norme Euro III oblige.
Bref, il est temps de grimper dessus car il s’agit là de bien plus qu’une simple évolution. Est-elle toujours la même ?
En selle, la première chose qui saute aux yeux, c’est que le tête de fourche semble bien bas. Où alors on est perché plus haut sur cette selle au rembourrage très… Ducati pour une Fazer. Pourtant, je ne la trouve pas plus haute que l’ancienne, bizarre ! La bulle semble minuscule – il est vrai que la mienne possède une adaptable- et, bien avant de démarrer, j’ai comme un doute sur la protection de cette moto…
J’introduit la clé –codée !- et la tourne dans le contacteur. Contact : Bzzzz !, Bzzzz !, fait l’injection tandis le nouveau tableau de bord digital ,sauf le compte-tour, s’illumine. Lui aussi me semble placé bas par rapport à la mienne, mais malgré son côté minimaliste, il est cohérent et lisible. J’attrape le levier gauche –la commande semble plus ferme que sur Fazie-, passe la première et c’est parti sous la pluie en direction de la normandie.
Un truc me déroute aussitôt : la moto semble plonger de l’avant, comme si elle était plus basse. Cette impression est renforcée par la perspective du tête de fourche citée plus haut. Le guidon plat, bizarrement, me « lève » un peu les poignets, à la manière d’un supermot’, et les repose-pieds semblent plus hauts que sur l’ancienne. Le nouveau cadre permet d’enserrer mieux la machine en se collant au plus près du réservoir – lequel pourrait être un poil plus échancré -, ce qui donne une position plus ramassée qu’auparavant. Pas déplaisant, mais c’est plus ma compagne habituelle !
Tout de suite, dès les premiers tours de roues, une impression de rigidité supplémentaire alliée à une machine plus courte me fait douter qu’il s’agit bien d’une Fazer : elle me fait plutôt songer à une Z1000 en comparaison. De plus, des résonances en provenance du moteur se répercutent contre les poutres du cadre dès 3000 tours et un bruit – inconnu juqu’alors- d’aspiration de la boite à air donne à penser que cette version là se la joue plutôt « sport »
Le moulin répond présent dans le trafic urbain d’une façon quasi-identique à celui équipé de la version carburateur, seul l’embrayage me semble vraiment plus ferme et la réponse à la poignée de gaz un peu sèche. Mais bon, il est temps de s’extraire de la capitale car ça manque d’espace ici !
Le vent souffle fort sur la RN14, et la pluie mêlée de grêles semble redoubler d’intensité. Ces deux éléments vont mettre à jour LE principal défaut de cette nouvelle version : aucune protection malgré la présence d’un tête de fourche ! Franchement, la mienne à côté, c’est une FJR… J’en prends plein la poire dès 110 km/h, comme s’il s’agissait d’une naked !!!
Idem pour la fermeté de selle – mais elle ne bouffe pas les fesses – et la raideur des suspensions qui téléphonent bien les irrégularités de la route, surtout l’arrière !
Par contre, cette raideur alliée à la rigidité d’ensemble donne une précision inconnue à la Fazer, à moins que ce ne soit la fourche inversée. Je ne vais pas tarder à vérifier ça en détail car il est temps de quitter la nationale pour une petite départementale en direction des Andelys. Mais avant ça, un mot du moulin : même en version « française », il reste plaisant et possède une pointe de caractère assez sympathique en se montrant relativement vivant dans les tours, renforcé par le bruit d’aspiration de la boite à air. A ce niveau, il marque des points par rapport à l’ancienne… bridée. Celle-ci, castrée à l’ouverture des boisseaux, rendait les armes dès 7500 et il ne servait pas à grand chose d’aller voir au-delà. En version libre, par contre…
Mais revenons à cette précision dont je parlais plus haut : la pluie a cessé, mais le vent continue de souffler. Le bitume, toujours humide, permet néanmoins d’ouvrir un peu plus. Surtout que maintenant des belles courbes vont faire leur apparition !
Il ne me faut pas dix minutes pour me rendre compte du changement radical pressenti un peu avant : le freinage est toujours le même –efficace et précis- mais maintenant elle plonge à la corde avec une facilité déconcertante et se maintient sur la traj’ d’un seul bloc quand l’ancienne semblait hésiter. Est-ce le fait des Pilot-Road, excellents sur route humide (je les connais bien pour les avoir utilisés sur ma précédente, une VFR V-Tec), dont le comportement semble s’accorder à la Fazer ? La mienne est équipée d’une paire de D208 et sa fourche a besoin d’être vidangée, donc, je relativise mon jugement. Toujours est-il que la new version fait preuve, dans ces conditions, d’une faculté à jouer que je ne connaissais pas à Fazie : courbes en épingles, rapides, en aveugle qui se resserrent, rien ne semble lui faire peur. En arrivant sur Louviers, la route est presque sèche et j’en rajoute un peu : l’arrière, très ferme, gigote pas mal mais la moto file droit, imperturbablement. Le train avant semble scotché au sol.
Attention, à condition de s’en occuper, l’ancienne permet d’en faire autant avec un confort bien supérieur, mais sans cette sérénité affichée par la nouvelle.
Plus que quelques bornes avant de regagner mon domicile : new Fazie semble décidée à jouer ! Je retarde les freinages et la brusque un poil, rien n’y fait : elle file droit !
Demain, paraît qu’il ne pleut pas et je connais quelques petites routes bien sympathiques, dont certaines assez bosselées, qui vont me permettre de faire le tour de la question car j’ai dans l’idée que tout ça n’est qu’une histoire de pneu : les D208 équipant la mienne ne m’ont jamais vraiment apporté la sérénité, de plus ils arrivent – surtout l’avant – en fin de vie. Ce choix pneumatique a surtout été dicté par le porte-monnaie Le problème, quand il s’agit de sa moto de tous les jours, c’est qu’on s’habitue à elle malgré un changement de comportement au fil des kilomètres : ma Fazie, telle qu’elle est aujourd’hui, ne soutient pas la comparaison en terme de précision et vivacité au changement d’angle, mais je suis certain d’aller aussi vite avec car je la connais parfaitement. Une paire de Michelin neufs, la fourche vidangée (c’est pour la semaine prochaine) et j’ai soudain comme un doute envers la supériorité de la nouvelle… : cette dernière est réglée ferme - surtout l’arrière -, certainement par le fait des essayeurs qui ont dû chercher le meilleur compromis. Ma Fazie, elle, n’a pas besoin d’être aussi dure pour se montrer (presque…) aussi efficace. Une chose est sure, cependant : la palme du confort reste à l’actif de l’ancienne. Et un p’tit tour en duo risque d’aller dans ce sens…, mais on verra ça demain.
Chaque jour est un jour nouveau dit-on, ce matin il ne pleut pas et la route est sèche ! Je descend au sous-sol, miss new Fazie me fait aussitôt de l’œil en semblant me dire : « on y va ? »
Ok !, c’est parti… Contact, Bzzz ! Bzzz ! de l’injection et vérif rapide des fonctions du tableau de bord, un léger coup sur le bouton « start » éveille aussitôt la moto. L’avantage avec l’injection, c’est qu’on ne s’occupe plus du starter, même si ce dernier n’est pas gênant sur l’ancienne version.
Tout d’abord, c’est ma passagère de femme – habituée à Fazie – qui grimpe à l’arrière pour donner son avis. Quelques kilomètres suffisent pour que tombe le verdict : amorto trop ferme qui téléphone fidèlement les irrégularités du bitume, assise un poil haute et selle dure. Seule, la prise des poignées latérales et les repose-pieds bien placés n’appellent pas la critique, étant assez semblables à l’ancienne en fait, mais elle affirme qu’elle ne se verrait pas parcourir deux cent bornes dans derrière ce « truc » lui rappelant une certaine Ducati dont elle garde un mauvais souvenir…
Retour au solo avec une incursion sur l’ancien tracé du circuit des Essarts et la spéciale d’Orival du Moto-tour 2005 : j’y ai mes références et on y trouve un condensé remarquable de courbes variées, de l’épingle à cheveux au virage vicelard qui se referme à la sortie en passant par de la grande courbe prise à une allure…
Cette fois, l’état de la pis…, heu, pardon !, de la route permet de juger de façon plus prononcée ce que j’avais entrevu la veille : elle est bien devenue une sportive en tenue de ville !!!
Je confirme : elle est plus vive que l’ancienne, plus rigide aussi. Mais ce qui me bluffe sur cette meule, c’est l’incroyable précision du train avant : la moto est littéralement scotchée au bitume et te téléphone chaque irrégularité à la façon d’une hypersport. De cette dernière, elle possède aussi cette capacité à changer d’angle en un clin d’œil qui fait qu’on arrive toujours à improviser quelque-soit l’angle de la courbe. A la limite, elle est presque trop vive au début ! Bon, on va relativiser car l’asphalte est loin d’être à cette température permettant d’y aller sans arrière pensée – c’est les Pilot Road qui jettent l’éponge en premier, de façon progressive, certes… -, mais la new permet de jouer bien plus que l’ancienne dans ce cas bien précis.
Sur mauvais revêtement par contre, c’est plus du tout la même histoire : c’est trop ferme et ça gigote sévère…
Le moulin, même bridé, participe grandement à ce côté ludique. Tout d’abord par son bruit d’aspiration qui met dans l’ambiance au fur et à mesure que la moto prend ses tours, et part un généreux petit couple bien sympa présent à mi-régime, justement pile-poil à ce qu’on met en sortie de courbe.
Toute bonne chose ayant une fin, la pluie refait son apparition, ne tentons pas le diable. De toute façon, je sais maintenant ce qu’elle est réellement.
En résumé, elle n’est plus la bonne à tout faire qui a fait le bonheur des possesseurs de cette géniale moto : protection inexistante et trop ferme en général pour envisager la route sereinement, elle ne soutient pas la comparaison avec son aînée sur ce point. Par contre, elle est devenue beaucoup plus fun , moins sérieuse. L’ancienne garde pour elle son côté « couteau suisse » qui a fait toute la personnalité de la Fazer : elle se fait oublier sur la route tout en permettant de jouer si le cœur t’en dit, même si c’est moins spontané…
A toi de voir, elle va plaire, c’est certain, mais moi je garde la mienne !